Source: SOS FAIM
March 27, 2019
– Défis Sud –
Doing Business (DB) d’abord, Enabling the Business of Agriculture (EBA) ensuite. Les termes changent mais la logique qui alimente les différents indicateurs de la Banque mondiale reste identique. L’Oakland Institute publie un rapport sur le nouvel indicateur foncier de la Banque. L’analyse est sans appel : les menaces qu’amènent cet indicateur imposent d’y mettre fin.
Un entretien avec Frédéric Mousseau de l’Oakland Institute
« DB, EBA, peu importe le nom, car c’est une même vision du développement qui est promue par la Banque mondiale dans ces différents indicateurs », pense Frédéric Mousseau, Policy director à l’Oakland Institute et auteur du rapport intitulé Vendre les terres au plus offrant. « Une vision où le développement passe nécessairement par l’agriculture industrielle. Une vision qui mise sur la productivité et la croissance et qui croit en la théorie du ruissellement qui veut qu’un investissement en appelle un autre. Cette lecture va d’ailleurs jusqu’à pousser les agriculteurs trop peu productifs ou compétitifs à cesser leur activité. »
En 2002, la Banque mondiale développe un classement qui note les pays en fonction de la facilité à y faire des affaires, le Doing Business (DB). Dix ans plus tard, la Banque reçoit un nouveau mandat de la part du G8 : élaborer un index. Le projet Enabling the Business of Agriculture (EBA) est né. Petit frère du premier, l’EBA a pour objectif avoué de : « contribuer à la création de politiques facilitant le climat des affaires dans l’agriculture et augmentant l’attractivité et la compétitivité des pays en matière d’investissement ». L’EBA est officiellement lancé en 2013 grâce au soutien financier de cinq donateurs occidentaux : la Fondation Bill et Mélinda Gates ainsi que les gouvernements américain, britannique, danois et néerlandais.
En 2017, 38 pays sont passés au crible de l’EBA selon 6 indicateurs : semences, engrais, marchés, transports, machinerie et finance. S’ensuivent, une série de recommandations en vue de réformer l’agriculture et d’en faire ainsi un secteur plus favorable et ouvert aux entreprises. Le classement porte sur l’application de ses recommandations. De quelles marges de manœuvre bénéficient les pays qui figurent dans ce classement ? Quels risques et menaces pour ces pays sachant que c’est de cette application que dépend l’aide internationale dont pourra bénéficier le pays en question.
Alerter l’opinion
La phase pilote amorcée par l’EBA a pour vocation de s’étendre au reste du monde. Il importe donc d’alerter l’opinion publique et de mobiliser la société civile pour dénoncer les effets et impacts qu’elle engendre. Pour Frédéric Mousseau, «aucune négociation n’est possible autour de l’EBA». L’Oakland Institute le rejette intégralement dès lors qu’il persiste à mobiliser une vision néo-libérale de l’agriculture et du développement.
« Heureusement, explique Frédéric Mousseau, qu’un autre son de cloche se fait entendre avec plus de 280 associations qui s’opposent à la vision promue par la Banque mondiale. Depuis 2014, ces associations (organisations paysannes, syndicats, ONG) portent la campagne internationale Nos terres, nos droits… … La société civile se mobilise et fait du bruit pour défendre et revendiquer une autre approche où le développement est perçu comme un accès plus juste et équitable à la richesse, à la sécurité alimentaire, à l’eau potable, aux soins de santé, à l’emploi, à l’éducation et non plus sous le prisme unique de la croissance et la productivité ».
La société civile n’est pas la seule à pointer du doigt les pratiques de la Banque mondiale. En 2013, un groupe d’experts indépendants mandaté pour analyser le classement Doing Business recommandait la cessation de ce classement annuel.
Plus inquiétant encore, la Banque mondiale elle-même tient un discours en porte à faux avec ses pratiques et recommandations et déclare en 2009 : « En réalité près d’un siècle de recherches effectuées par des économistes agricoles du monde entier a donné lieu à un constat contre-intuitif : les petits exploitants utilisent généralement la terre, la main-d’œuvre et le capital plus efficacement que les grands exploitants qui dépendent principalement de la main-d’œuvre salariée ».
Comment dès lors interpréter cette schizophrénie entre le discours politiquement correct servi par la Banque et ses pratiques ?
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Un Nouvel Indicateur Foncier Au Service De La Logique Néolibérale
Source: SOS FAIM
March 27, 2019
– Défis Sud –
Doing Business (DB) d’abord, Enabling the Business of Agriculture (EBA) ensuite. Les termes changent mais la logique qui alimente les différents indicateurs de la Banque mondiale reste identique. L’Oakland Institute publie un rapport sur le nouvel indicateur foncier de la Banque. L’analyse est sans appel : les menaces qu’amènent cet indicateur imposent d’y mettre fin.
Un entretien avec Frédéric Mousseau de l’Oakland Institute
« DB, EBA, peu importe le nom, car c’est une même vision du développement qui est promue par la Banque mondiale dans ces différents indicateurs », pense Frédéric Mousseau, Policy director à l’Oakland Institute et auteur du rapport intitulé Vendre les terres au plus offrant. « Une vision où le développement passe nécessairement par l’agriculture industrielle. Une vision qui mise sur la productivité et la croissance et qui croit en la théorie du ruissellement qui veut qu’un investissement en appelle un autre. Cette lecture va d’ailleurs jusqu’à pousser les agriculteurs trop peu productifs ou compétitifs à cesser leur activité. »
En 2002, la Banque mondiale développe un classement qui note les pays en fonction de la facilité à y faire des affaires, le Doing Business (DB). Dix ans plus tard, la Banque reçoit un nouveau mandat de la part du G8 : élaborer un index. Le projet Enabling the Business of Agriculture (EBA) est né. Petit frère du premier, l’EBA a pour objectif avoué de : « contribuer à la création de politiques facilitant le climat des affaires dans l’agriculture et augmentant l’attractivité et la compétitivité des pays en matière d’investissement ». L’EBA est officiellement lancé en 2013 grâce au soutien financier de cinq donateurs occidentaux : la Fondation Bill et Mélinda Gates ainsi que les gouvernements américain, britannique, danois et néerlandais.
En 2017, 38 pays sont passés au crible de l’EBA selon 6 indicateurs : semences, engrais, marchés, transports, machinerie et finance. S’ensuivent, une série de recommandations en vue de réformer l’agriculture et d’en faire ainsi un secteur plus favorable et ouvert aux entreprises. Le classement porte sur l’application de ses recommandations. De quelles marges de manœuvre bénéficient les pays qui figurent dans ce classement ? Quels risques et menaces pour ces pays sachant que c’est de cette application que dépend l’aide internationale dont pourra bénéficier le pays en question.
Alerter l’opinion
La phase pilote amorcée par l’EBA a pour vocation de s’étendre au reste du monde. Il importe donc d’alerter l’opinion publique et de mobiliser la société civile pour dénoncer les effets et impacts qu’elle engendre. Pour Frédéric Mousseau, «aucune négociation n’est possible autour de l’EBA». L’Oakland Institute le rejette intégralement dès lors qu’il persiste à mobiliser une vision néo-libérale de l’agriculture et du développement.
« Heureusement, explique Frédéric Mousseau, qu’un autre son de cloche se fait entendre avec plus de 280 associations qui s’opposent à la vision promue par la Banque mondiale. Depuis 2014, ces associations (organisations paysannes, syndicats, ONG) portent la campagne internationale Nos terres, nos droits… … La société civile se mobilise et fait du bruit pour défendre et revendiquer une autre approche où le développement est perçu comme un accès plus juste et équitable à la richesse, à la sécurité alimentaire, à l’eau potable, aux soins de santé, à l’emploi, à l’éducation et non plus sous le prisme unique de la croissance et la productivité ».
La société civile n’est pas la seule à pointer du doigt les pratiques de la Banque mondiale. En 2013, un groupe d’experts indépendants mandaté pour analyser le classement Doing Business recommandait la cessation de ce classement annuel.
Plus inquiétant encore, la Banque mondiale elle-même tient un discours en porte à faux avec ses pratiques et recommandations et déclare en 2009 : « En réalité près d’un siècle de recherches effectuées par des économistes agricoles du monde entier a donné lieu à un constat contre-intuitif : les petits exploitants utilisent généralement la terre, la main-d’œuvre et le capital plus efficacement que les grands exploitants qui dépendent principalement de la main-d’œuvre salariée ».
Comment dès lors interpréter cette schizophrénie entre le discours politiquement correct servi par la Banque et ses pratiques ?
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