Telle est du moins l’analyse d’une coalition de près de 200 organisations non gouvernementales, qui pressent l’institution de cesser la publication annuelle d’un classement controversé évaluant les pays en fonction de la «facilité de faire des affaires».
La directrice de l’Oakland Institute, un groupe de recherche californien qui pilote la coalition, affirme que le classement contenu dans le rapport «Doing Business» pousse les pays les plus pauvres à «déréglementer» tous azimuts leur économie afin de faire bonne figure auprès des investisseurs.
On assiste, selon Anuradha Mittal, à une surenchère de mesures qui ont pour effet de réduire dramatiquement les garde-fous contre les abus, notamment sur le plan environnemental et social.
«C’est une course vers l’abîme… Ce que la Banque mondiale essaie véritablement de faire, c’est de favoriser l’accès des grandes entreprises aux ressources de ces pays», souligne la militante.
La multiplication de transactions de grande envergure dans le secteur agricole est une conséquence directe de cette déréglementation, juge Mme Mittal, qui s’inquiète de leur impact sur les communautés locales.
Près de 80% de la nourriture consommée dans les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie est produite par des fermiers exploitant de petits lots, mais la Banque mondiale préfère encourager le développement d’entreprises de grande envergure chapeautant de vastes concessions, déplore-t-elle.
«Ils ne disent pas ce qu’il doit advenir des petits producteurs qui se voient ainsi chassés de leurs terres», note la représentante de l’Oakland Institute.
Pour établir le classement controversé, publié depuis 2003, la Banque mondiale passe en revue les réglementations qui touchent à 11 volets de la vie d’une entreprise, incluant l’obtention de prêts, la protection des investisseurs ou encore l’embauche de travailleurs.
Chaque pays considéré reçoit une note distincte pour les volets considérés, et une note globale est ensuite établie afin de le classer dans une liste qui contient, dans sa plus récente édition, non moins de 189 pays.
La Banque mondiale recense chaque année les modifications réglementaires apportées et revoit la notation en conséquence.
Selon l’Oakland Institute, les indicateurs retenus tendent à «punir les pays qui tentent de contrôler les activités des investisseurs et de récompenser ceux qui déréglementent, ignorant complètement au passage l’effet de telles politiques sur les droits de l’homme, l’environnement et le développement humain».
Un pays comme les Philippines, qui a loué près de la moitié de ses terres à des firmes étrangères, se retrouve à faire figure de bon élève dans le dernier classement produit.
La polémique entourant le rapport de la Banque mondiale ne date pas d’hier. En 2012, l’organisation avait mandaté un comité d’experts pour faire le point à ce sujet et déterminer les correctifs à apporter au besoin.
Le comité a notamment recommandé de ne plus produire de classement et de se contenter de noter les pays pour chaque volet considéré.
Le retrait du classement global aurait pour effet de «désamorcer nombre de critiques formulées» à l’encontre du rapport, mais «diminuerait son influence sur les discussions» en matière de développement économique, notaient les auteurs.
Ils ont rappelé à cette occasion que le rapport ne devait pas avoir pour effet de dicter une «norme» à suivre en matière économique, mais qu’il devait plutôt offrir des informations pertinentes aux dirigeants politiques pour alimenter leur réflexion.
En écho aux critiques, la Banque mondiale assure que les indicateurs retenus ne favorisent pas indûment les «économies où les pouvoirs publics promeuvent la philosophie d’un État de petite taille».
L’organisation affirme que des pays comptant des gouvernements de petite et de grande taille se retrouvent dans le haut du classement tout comme dans le bas du classement.
Anuradha Mittal estime que ces déclarations constituent des «paroles en l’air» et ne changent rien aux objectifs véritablement poursuivis par l’organisation internationale.
Le Classement de la Banque Mondiale Voué aux Gémonies
Source: La Presse
April 17, 2014
La Banque mondiale tente, par une voie détournée, de faciliter la tâche de géants du secteur agricole qui cherchent à faire main basse, à faible coût, sur les terres des pays en développement.
Telle est du moins l’analyse d’une coalition de près de 200 organisations non gouvernementales, qui pressent l’institution de cesser la publication annuelle d’un classement controversé évaluant les pays en fonction de la «facilité de faire des affaires».
La directrice de l’Oakland Institute, un groupe de recherche californien qui pilote la coalition, affirme que le classement contenu dans le rapport «Doing Business» pousse les pays les plus pauvres à «déréglementer» tous azimuts leur économie afin de faire bonne figure auprès des investisseurs.
On assiste, selon Anuradha Mittal, à une surenchère de mesures qui ont pour effet de réduire dramatiquement les garde-fous contre les abus, notamment sur le plan environnemental et social.
«C’est une course vers l’abîme… Ce que la Banque mondiale essaie véritablement de faire, c’est de favoriser l’accès des grandes entreprises aux ressources de ces pays», souligne la militante.
La multiplication de transactions de grande envergure dans le secteur agricole est une conséquence directe de cette déréglementation, juge Mme Mittal, qui s’inquiète de leur impact sur les communautés locales.
Près de 80% de la nourriture consommée dans les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie est produite par des fermiers exploitant de petits lots, mais la Banque mondiale préfère encourager le développement d’entreprises de grande envergure chapeautant de vastes concessions, déplore-t-elle.
«Ils ne disent pas ce qu’il doit advenir des petits producteurs qui se voient ainsi chassés de leurs terres», note la représentante de l’Oakland Institute.
Pour établir le classement controversé, publié depuis 2003, la Banque mondiale passe en revue les réglementations qui touchent à 11 volets de la vie d’une entreprise, incluant l’obtention de prêts, la protection des investisseurs ou encore l’embauche de travailleurs.
Chaque pays considéré reçoit une note distincte pour les volets considérés, et une note globale est ensuite établie afin de le classer dans une liste qui contient, dans sa plus récente édition, non moins de 189 pays.
La Banque mondiale recense chaque année les modifications réglementaires apportées et revoit la notation en conséquence.
Selon l’Oakland Institute, les indicateurs retenus tendent à «punir les pays qui tentent de contrôler les activités des investisseurs et de récompenser ceux qui déréglementent, ignorant complètement au passage l’effet de telles politiques sur les droits de l’homme, l’environnement et le développement humain».
Un pays comme les Philippines, qui a loué près de la moitié de ses terres à des firmes étrangères, se retrouve à faire figure de bon élève dans le dernier classement produit.
La polémique entourant le rapport de la Banque mondiale ne date pas d’hier. En 2012, l’organisation avait mandaté un comité d’experts pour faire le point à ce sujet et déterminer les correctifs à apporter au besoin.
Le comité a notamment recommandé de ne plus produire de classement et de se contenter de noter les pays pour chaque volet considéré.
Le retrait du classement global aurait pour effet de «désamorcer nombre de critiques formulées» à l’encontre du rapport, mais «diminuerait son influence sur les discussions» en matière de développement économique, notaient les auteurs.
Ils ont rappelé à cette occasion que le rapport ne devait pas avoir pour effet de dicter une «norme» à suivre en matière économique, mais qu’il devait plutôt offrir des informations pertinentes aux dirigeants politiques pour alimenter leur réflexion.
En écho aux critiques, la Banque mondiale assure que les indicateurs retenus ne favorisent pas indûment les «économies où les pouvoirs publics promeuvent la philosophie d’un État de petite taille».
L’organisation affirme que des pays comptant des gouvernements de petite et de grande taille se retrouvent dans le haut du classement tout comme dans le bas du classement.
Anuradha Mittal estime que ces déclarations constituent des «paroles en l’air» et ne changent rien aux objectifs véritablement poursuivis par l’organisation internationale.
Extrait du dernier classement
1 Singapour
2 Hong Kong
3 Nouvelle-Zélande
4 États-Unis
…
19 Canada
…
188 République centrafricaine
189 Tchad
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