Source: Rewmi.com
April 1, 2014
Face à la crise économique financière mondiale, la ruée des investissements privés vers les terres agricoles des pays du Sud va crescendo. L’accaparement foncier au Sénégal est devenu même une véritable bombe à retardement, et pour cause. Ces expropriations massives pourraient contribuer, à en croire les organisations de la société civile, à exacerber les tensions sociales et l’instabilité politique. A long terme, cela pourrait se traduire par une augmentation des conflits fonciers dans notre pays, parfois déjà confronté à d’importants conflits internes pour l’accès à la terre, ainsi que par une amplification des mouvements migratoires (nationaux et internationaux) incontrôlés.
Défini comme étant tout ce qui est sur la terre et sous la terre, le foncier est à la base de tout développement. La terre, nous disaient nos grands parents, ne ment pas, elle vous rend toujours ce que vous lui avez prêté. Prêter à la terre revient à investir sur la terre, l’exploiter rationnellement. Les systèmes fonciers sont, en réalité les moteurs des politiques de développement. Mais aujourd’hui, l’accaparement des terres apparait comme un phénomène brutal qui remet en cause les pratiques ancestrales traditionnelles, et qui hypothèque l’avenir des générations futures. Ce processus est qualifié d’«accaparement des terres» ou d’ «agro-colonialisme» par les Ong et bon nombre d’organisations paysannes et la Banque Mondiale parle d’«appropriation à grande échelle» ou encore d’«investissements directs étrangers» (Ide). Il faut rappeler que ce phénomène d’acquisition de terres à grande échelle est partout en expansion, depuis la crise alimentaire de 2008. Elle s’inscrit dans la logique de l’agrobusiness qui ne vise que le profit, comme le démontrent les nombreux cas signalés en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Conséquences et risques
Cette recherche de profit est incompatible avec les objectifs de la souveraineté alimentaire qui milite pour la survie des populations, surtout rurales qui sont les plus nombreuses en Afrique. De ce fait, l’accaparement des terres sape les bases de la souveraineté alimentaire. L’existence des agriculteurs et la production alimentaire aux niveaux local et national sont subordonnées à l’accessibilité à la terre. Or leur accaparement par des gouvernements étrangers ou des multinationales ou par des nantis, qu’ils soient nationaux ou étrangers, prive les petits agriculteurs de leurs terres, en les transformant en ouvriers agricoles sur leurs propres terres. Ensuite, il pourrait freiner la croissance économique globale des pays hôtes, puisque les projets sont tournés vers l’extérieur (cultures destinées à l’exportation), ce qui renforce leur dépendance alimentaire et stimule peu les activités locales. En effet, le modèle agroindustriel privilégié est basé sur le capital, la monoculture et la technologie, ce qui crée peu d’emplois et exclut les paysans. Face à une agriculture beaucoup plus productive que la leur et si des mesures ne sont pas prises, les paysans n’auront d’autres choix que d’abandonner leurs terres et de travailler pour ces sociétés agricoles, dans des conditions souvent médiocres. Enfin, ces modes de production industriels qui fonctionnent selon une logique de rentabilité à court terme auront des effets environnementaux dévastateurs : destruction des forêts primaires, perte de la biodiversité, pollution chimique, contamination des cultures par des organismes génétiquement modifiés, dégradation des terres, épuisement des réserves en eau. Tout cela autorise à penser que ce modèle agroindustriel, reposant sur la disponibilité de terres dans les pays hôtes, se développe au détriment de l’agriculture familiale et constitue une menace pour la souveraineté alimentaire des pays concernés.
La Banque Mondiale accusée de destruction des exploitations agricoles traditionnelles
Le gouvernement sénégalais s’est clairement engagé dans une politique visant à favoriser l’arrivée d’investisseurs privés étrangers dans le secteur agricole. Cette nouvelle option, que l’on observe aussi dans de nombreux pays du continent, ne rencontre toutefois pas le soutien de la société civile et des organisations paysannes. Au banc des accusés : la Banque mondiale
Pour avoir lancé son projet «Benchmarking the Business of Agriculture» (BBA), la Banque mondiale est accusée de promouvoir l’agrobusiness, en soutenant l’accès à la terre des grandes firmes internationales, au détriment de l’exploitation familiale, lésant ainsi les nationaux. Cicodev Afrique, l’Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement, en collaboration avec d’autres Ong, notamment Enda Pronat et la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), et autres organisations de la société civile, ont lancé une campagne internationale dénommée «Nos terres. Notre Business». Cette campagne vise à demander l’arrêt du projet «Benchmarking the Business of Agriculture» (Bba) de la Banque Mondiale qui prévoit de faire le classement du secteur agricole dans les pays à travers le monde. «En lançant cette campagne, les organisations comptent ainsi dénoncer le rôle de la Banque mondiale dans le phénomène de l’accaparement des terres et des ressources naturelles, un phénomène qui affecte les populations les plus pauvres dans le monde. Le Bba reprend les principes et la méthodologie du classement des rapports «Doing Business» de la Banque Mondiale pour l’appliquer au secteur de l’agriculture», a révélé le Dr Amadou Kanouté, secrétaire exécutif de Cicodev. L’objectif explicite du Bba est de promouvoir «l’émergence d’un secteur agricole commercial fort», a-t-il dénoncé. Avant de préciser qu’en réalité, les classements du Bba récompenseront la déréglementation des secteurs agricoles et permettront de faciliter l’accaparement des terres dans le monde entier. «Appliqués au secteur agricole, les classements du Bba vont encourager les gouvernements à faire de leurs terres une marchandise- et à la vendre ou à la louer à des investisseurs étrangers, indépendamment de l’impact social ou environnemental de telles politiques», alerte-t-il. A son avis, l’accaparement des terres dépossède les paysans, les éleveurs et les communautés autochtones qui sont pourtant, les garants de la production d’aliments pour l’ensemble de la planète. Et d’en rajouter cette couche : les classements «Doing Business» de la Banque Mondiale, qui notent les pays en fonction de la façon dont elle estime qu’il est ‘facile d’y faire des affaires’, ont poussé de nombreux dirigeants de pays en développement à de réglementer leurs économies dans l’espoir d’attirer les investissements étrangers. Cependant, ce que la Banque Mondiale considère bénéfique pour les entreprises étrangères est très souvent l’exact opposé de ce qui l’est pour les paysans et les éleveurs.
657 753 hectares déjà attribués à 17 privés
Le rapport «Doing Business» est aujourd’hui une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos dirigeants qui veillent sur sa prochaine sortie pour se glorifier ou se justifier devant les institutions financières internationales de l’application des approches et indicateurs de ces dernières pour le développement de nos pays. Et non devant …leurs citoyens qui les ont élus», a fait remarquer Amadou Kanouté. C’est tout le sens, précise-t–il, de notre engagement dans cette campagne «Nos terres, notre business», pour réclamer notre autonomie et décider de nos politiques foncières, agricoles et alimentaires». Au Sénégal, rien que dans la période allant de 2000 à 2011, une étude de Cicodev en 2011 sur l’ampleur du phénomène de l’accaparement des terres au Sénégal, confirmée par une autre étude de la Copagen, a révélé qu’au moins, 657 753 hectares ont déjà été attribués à 17 privés dont 10 nationaux et 7 étrangers. Ce qui représente 16.45% des terres cultivables du pays. En 2014, année internationale de l’agriculture familiale, la Banque mondiale a lancé au Sénégal le projet Pdidas (Programme de Développement Intégré et Durable de l’Agriculture au Sénégal), avec un financement de 80 millions de dollars, afin de promouvoir l’agrobusiness sur 10.000 hectares dans les zones du lac de Guiers et du Ngalam. Ceci intervient alors que les grandes acquisitions de terres s’intensifient dans la Vallée du fleuve Sénégal. Un des derniers projets en date du conglomérat international Senhuile-Senéthanol a acquis 20.000 hectares pour des cultures d’exports aux dépens des 9000 éleveurs et agriculteurs qui dépendent de ces terres pour leur survie. Toute chose qui fait craindre à la société civile une tendance à la hausse, si nos pays ne formulent pas et mettent en œuvre une réforme foncière consensuelle, inclusive et endogène qui prenne en compte nos propres objectifs de développement. C’est pourquoi M. Kanouté et son organisation demandent «l’arrêt des acquisitions de terres à grande échelle». «Il faut faire un moratoire sur l’accaparement des terres, il faut aller vers une réforme foncière qui soit consensuelle et qui prenne en compte les préoccupations de la Société civile et des petites exploitations», suggère Kanouté, le défenseur des paysans, selon qui, «il nous faut trouver le juste milieu pour que les petites exploitations qui constituent plus de 70% soient prises en compte.»
«Haro sur l’agro-business»
L’octroi de grandes surfaces agricoles à des investisseurs privés ou firmes multinationales, adeptes de l’agro-business» n’agrée pas le président du Cncr. Samba Guèye privilégie les exploitations familiales, estimant qu’elles jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations.
«L’agro-business, c’est du mercantilisme»
«L’agro-business a pollué les terres et les sources d’eau des pays développés et appauvri leurs agricultures. Aucun Etat ne devrait confier la nourriture de sa population et son développement économique à des spéculateurs qui s’en iront, dès que les profits seront plus intéressants ailleurs ou quand les ressources de nos régions seront épuisées. Si on n’y prend garde, il (l’agro-business) mettra en péril nos exploitations familiales et exacerbera la pauvreté en milieu rural. L’accaparement des terres par les investisseurs étrangers est une entorse grave au droit agropastoral et un «manque de respect des garanties et droits démocratiques des gens sur des terres qui leur appartiennent et qu’ils mettent en valeur.»
«Les exploitations familiales peuvent nourrir le Sénégal»
«Une bonne politique foncière pourrait être un élément clé d’une politique agricole efficace permettant d’exploiter au mieux les marges de progression des exploitations familiales qui jouent un rôle central dans nos pays. En effet, ces dernières ont un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations, dans la gestion des ressources naturelles, dans la construction d’économies locales et régionales diversifiées et créatrices d’emplois et plus largement, par leur rôle central dans les équilibres sociaux, territoriaux et politiques. Il est donc temps de les moderniser, de changer de paradigmes par rapport à ce qui se faisait. On nous reproche parfois d’être passéistes, mais c’est de ces exploitations que proviennent la matière première. Malgré les difficultés, nous produisons des céréales sèches, du bon riz dans la vallée et un peu partout dans les zones pluviales. S’il y a une bonne modernisation planifiée dans le temps et dans l’espace, avec un accompagnement des producteurs installés dans les milieux réels, en façonnant la réalité de l’environnement dans les zones rurales, et en faisant une jonction ville-campagne, le défi sera relevé. Pour cette raison, il est important pour le Cncr de renforcer la dynamique de la société civile et en particulier, les organisations paysannes pour assurer la participation à la formulation, la mise en œuvre des politiques publiques et le contrôle citoyen».
«Les exploitations familiales au cœur de la réforme foncière»
«Présentement, nous mettons en œuvre un plan d’action qui a pour but la consolidation de son action, pour que les exploitations familiales qui représentent plus de 95% des exploitations agricoles soient mises au cœur de la réforme foncière au Sénégal, afin de garantir davantage notre sécurité alimentaire, la création de richesses et placer notre pays sur les rampes de l’émergence. Pour arriver à ce résultat, le Cncr œuvre pour le renforcement de la participation des organisations paysannes au dialogue politique sur la réforme foncière, la mise en place un observatoire national de veille sur la gouvernance foncière et la construction collectivement des propositions de réforme foncière partagées par les acteurs non étatiques. Ces objectifs seront atteints grâce aux partenariats développés avec les acteurs non étatiques ou étatiques et la grande importance accordée à la concertation avec les acteurs locaux. Pour cela, il invite les États africains, les institutions régionales, notamment l’Uemoa et la Cedeao, de même que l’Union Africaine à engager des concertations avec les organisations de la société civile, en particulier les organisations paysannes et tous les acteurs du développement agricole et rural pour la formulation et mise en œuvre participative de politiques et mécanismes de gouvernance foncière qui prennent en compte les préoccupations des communautés locales et les bonnes pratiques et garantissent la paix sociale dans notre cher continent».
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Le Foncier au Senegal : Une Bombe à Retardement
Source: Rewmi.com
April 1, 2014
Face à la crise économique financière mondiale, la ruée des investissements privés vers les terres agricoles des pays du Sud va crescendo. L’accaparement foncier au Sénégal est devenu même une véritable bombe à retardement, et pour cause. Ces expropriations massives pourraient contribuer, à en croire les organisations de la société civile, à exacerber les tensions sociales et l’instabilité politique. A long terme, cela pourrait se traduire par une augmentation des conflits fonciers dans notre pays, parfois déjà confronté à d’importants conflits internes pour l’accès à la terre, ainsi que par une amplification des mouvements migratoires (nationaux et internationaux) incontrôlés.
Défini comme étant tout ce qui est sur la terre et sous la terre, le foncier est à la base de tout développement. La terre, nous disaient nos grands parents, ne ment pas, elle vous rend toujours ce que vous lui avez prêté. Prêter à la terre revient à investir sur la terre, l’exploiter rationnellement. Les systèmes fonciers sont, en réalité les moteurs des politiques de développement. Mais aujourd’hui, l’accaparement des terres apparait comme un phénomène brutal qui remet en cause les pratiques ancestrales traditionnelles, et qui hypothèque l’avenir des générations futures. Ce processus est qualifié d’«accaparement des terres» ou d’ «agro-colonialisme» par les Ong et bon nombre d’organisations paysannes et la Banque Mondiale parle d’«appropriation à grande échelle» ou encore d’«investissements directs étrangers» (Ide). Il faut rappeler que ce phénomène d’acquisition de terres à grande échelle est partout en expansion, depuis la crise alimentaire de 2008. Elle s’inscrit dans la logique de l’agrobusiness qui ne vise que le profit, comme le démontrent les nombreux cas signalés en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Conséquences et risques
Cette recherche de profit est incompatible avec les objectifs de la souveraineté alimentaire qui milite pour la survie des populations, surtout rurales qui sont les plus nombreuses en Afrique. De ce fait, l’accaparement des terres sape les bases de la souveraineté alimentaire. L’existence des agriculteurs et la production alimentaire aux niveaux local et national sont subordonnées à l’accessibilité à la terre. Or leur accaparement par des gouvernements étrangers ou des multinationales ou par des nantis, qu’ils soient nationaux ou étrangers, prive les petits agriculteurs de leurs terres, en les transformant en ouvriers agricoles sur leurs propres terres. Ensuite, il pourrait freiner la croissance économique globale des pays hôtes, puisque les projets sont tournés vers l’extérieur (cultures destinées à l’exportation), ce qui renforce leur dépendance alimentaire et stimule peu les activités locales. En effet, le modèle agroindustriel privilégié est basé sur le capital, la monoculture et la technologie, ce qui crée peu d’emplois et exclut les paysans. Face à une agriculture beaucoup plus productive que la leur et si des mesures ne sont pas prises, les paysans n’auront d’autres choix que d’abandonner leurs terres et de travailler pour ces sociétés agricoles, dans des conditions souvent médiocres. Enfin, ces modes de production industriels qui fonctionnent selon une logique de rentabilité à court terme auront des effets environnementaux dévastateurs : destruction des forêts primaires, perte de la biodiversité, pollution chimique, contamination des cultures par des organismes génétiquement modifiés, dégradation des terres, épuisement des réserves en eau. Tout cela autorise à penser que ce modèle agroindustriel, reposant sur la disponibilité de terres dans les pays hôtes, se développe au détriment de l’agriculture familiale et constitue une menace pour la souveraineté alimentaire des pays concernés.
La Banque Mondiale accusée de destruction des exploitations agricoles traditionnelles
Le gouvernement sénégalais s’est clairement engagé dans une politique visant à favoriser l’arrivée d’investisseurs privés étrangers dans le secteur agricole. Cette nouvelle option, que l’on observe aussi dans de nombreux pays du continent, ne rencontre toutefois pas le soutien de la société civile et des organisations paysannes. Au banc des accusés : la Banque mondiale
Pour avoir lancé son projet «Benchmarking the Business of Agriculture» (BBA), la Banque mondiale est accusée de promouvoir l’agrobusiness, en soutenant l’accès à la terre des grandes firmes internationales, au détriment de l’exploitation familiale, lésant ainsi les nationaux. Cicodev Afrique, l’Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement, en collaboration avec d’autres Ong, notamment Enda Pronat et la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), et autres organisations de la société civile, ont lancé une campagne internationale dénommée «Nos terres. Notre Business». Cette campagne vise à demander l’arrêt du projet «Benchmarking the Business of Agriculture» (Bba) de la Banque Mondiale qui prévoit de faire le classement du secteur agricole dans les pays à travers le monde. «En lançant cette campagne, les organisations comptent ainsi dénoncer le rôle de la Banque mondiale dans le phénomène de l’accaparement des terres et des ressources naturelles, un phénomène qui affecte les populations les plus pauvres dans le monde. Le Bba reprend les principes et la méthodologie du classement des rapports «Doing Business» de la Banque Mondiale pour l’appliquer au secteur de l’agriculture», a révélé le Dr Amadou Kanouté, secrétaire exécutif de Cicodev. L’objectif explicite du Bba est de promouvoir «l’émergence d’un secteur agricole commercial fort», a-t-il dénoncé. Avant de préciser qu’en réalité, les classements du Bba récompenseront la déréglementation des secteurs agricoles et permettront de faciliter l’accaparement des terres dans le monde entier. «Appliqués au secteur agricole, les classements du Bba vont encourager les gouvernements à faire de leurs terres une marchandise- et à la vendre ou à la louer à des investisseurs étrangers, indépendamment de l’impact social ou environnemental de telles politiques», alerte-t-il. A son avis, l’accaparement des terres dépossède les paysans, les éleveurs et les communautés autochtones qui sont pourtant, les garants de la production d’aliments pour l’ensemble de la planète. Et d’en rajouter cette couche : les classements «Doing Business» de la Banque Mondiale, qui notent les pays en fonction de la façon dont elle estime qu’il est ‘facile d’y faire des affaires’, ont poussé de nombreux dirigeants de pays en développement à de réglementer leurs économies dans l’espoir d’attirer les investissements étrangers. Cependant, ce que la Banque Mondiale considère bénéfique pour les entreprises étrangères est très souvent l’exact opposé de ce qui l’est pour les paysans et les éleveurs.
657 753 hectares déjà attribués à 17 privés
Le rapport «Doing Business» est aujourd’hui une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos dirigeants qui veillent sur sa prochaine sortie pour se glorifier ou se justifier devant les institutions financières internationales de l’application des approches et indicateurs de ces dernières pour le développement de nos pays. Et non devant …leurs citoyens qui les ont élus», a fait remarquer Amadou Kanouté. C’est tout le sens, précise-t–il, de notre engagement dans cette campagne «Nos terres, notre business», pour réclamer notre autonomie et décider de nos politiques foncières, agricoles et alimentaires». Au Sénégal, rien que dans la période allant de 2000 à 2011, une étude de Cicodev en 2011 sur l’ampleur du phénomène de l’accaparement des terres au Sénégal, confirmée par une autre étude de la Copagen, a révélé qu’au moins, 657 753 hectares ont déjà été attribués à 17 privés dont 10 nationaux et 7 étrangers. Ce qui représente 16.45% des terres cultivables du pays. En 2014, année internationale de l’agriculture familiale, la Banque mondiale a lancé au Sénégal le projet Pdidas (Programme de Développement Intégré et Durable de l’Agriculture au Sénégal), avec un financement de 80 millions de dollars, afin de promouvoir l’agrobusiness sur 10.000 hectares dans les zones du lac de Guiers et du Ngalam. Ceci intervient alors que les grandes acquisitions de terres s’intensifient dans la Vallée du fleuve Sénégal. Un des derniers projets en date du conglomérat international Senhuile-Senéthanol a acquis 20.000 hectares pour des cultures d’exports aux dépens des 9000 éleveurs et agriculteurs qui dépendent de ces terres pour leur survie. Toute chose qui fait craindre à la société civile une tendance à la hausse, si nos pays ne formulent pas et mettent en œuvre une réforme foncière consensuelle, inclusive et endogène qui prenne en compte nos propres objectifs de développement. C’est pourquoi M. Kanouté et son organisation demandent «l’arrêt des acquisitions de terres à grande échelle». «Il faut faire un moratoire sur l’accaparement des terres, il faut aller vers une réforme foncière qui soit consensuelle et qui prenne en compte les préoccupations de la Société civile et des petites exploitations», suggère Kanouté, le défenseur des paysans, selon qui, «il nous faut trouver le juste milieu pour que les petites exploitations qui constituent plus de 70% soient prises en compte.»
«Haro sur l’agro-business»
L’octroi de grandes surfaces agricoles à des investisseurs privés ou firmes multinationales, adeptes de l’agro-business» n’agrée pas le président du Cncr. Samba Guèye privilégie les exploitations familiales, estimant qu’elles jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations.
«L’agro-business, c’est du mercantilisme»
«L’agro-business a pollué les terres et les sources d’eau des pays développés et appauvri leurs agricultures. Aucun Etat ne devrait confier la nourriture de sa population et son développement économique à des spéculateurs qui s’en iront, dès que les profits seront plus intéressants ailleurs ou quand les ressources de nos régions seront épuisées. Si on n’y prend garde, il (l’agro-business) mettra en péril nos exploitations familiales et exacerbera la pauvreté en milieu rural. L’accaparement des terres par les investisseurs étrangers est une entorse grave au droit agropastoral et un «manque de respect des garanties et droits démocratiques des gens sur des terres qui leur appartiennent et qu’ils mettent en valeur.»
«Les exploitations familiales peuvent nourrir le Sénégal»
«Une bonne politique foncière pourrait être un élément clé d’une politique agricole efficace permettant d’exploiter au mieux les marges de progression des exploitations familiales qui jouent un rôle central dans nos pays. En effet, ces dernières ont un rôle important dans la sécurité alimentaire des populations, dans la gestion des ressources naturelles, dans la construction d’économies locales et régionales diversifiées et créatrices d’emplois et plus largement, par leur rôle central dans les équilibres sociaux, territoriaux et politiques. Il est donc temps de les moderniser, de changer de paradigmes par rapport à ce qui se faisait. On nous reproche parfois d’être passéistes, mais c’est de ces exploitations que proviennent la matière première. Malgré les difficultés, nous produisons des céréales sèches, du bon riz dans la vallée et un peu partout dans les zones pluviales. S’il y a une bonne modernisation planifiée dans le temps et dans l’espace, avec un accompagnement des producteurs installés dans les milieux réels, en façonnant la réalité de l’environnement dans les zones rurales, et en faisant une jonction ville-campagne, le défi sera relevé. Pour cette raison, il est important pour le Cncr de renforcer la dynamique de la société civile et en particulier, les organisations paysannes pour assurer la participation à la formulation, la mise en œuvre des politiques publiques et le contrôle citoyen».
«Les exploitations familiales au cœur de la réforme foncière»
«Présentement, nous mettons en œuvre un plan d’action qui a pour but la consolidation de son action, pour que les exploitations familiales qui représentent plus de 95% des exploitations agricoles soient mises au cœur de la réforme foncière au Sénégal, afin de garantir davantage notre sécurité alimentaire, la création de richesses et placer notre pays sur les rampes de l’émergence. Pour arriver à ce résultat, le Cncr œuvre pour le renforcement de la participation des organisations paysannes au dialogue politique sur la réforme foncière, la mise en place un observatoire national de veille sur la gouvernance foncière et la construction collectivement des propositions de réforme foncière partagées par les acteurs non étatiques. Ces objectifs seront atteints grâce aux partenariats développés avec les acteurs non étatiques ou étatiques et la grande importance accordée à la concertation avec les acteurs locaux. Pour cela, il invite les États africains, les institutions régionales, notamment l’Uemoa et la Cedeao, de même que l’Union Africaine à engager des concertations avec les organisations de la société civile, en particulier les organisations paysannes et tous les acteurs du développement agricole et rural pour la formulation et mise en œuvre participative de politiques et mécanismes de gouvernance foncière qui prennent en compte les préoccupations des communautés locales et les bonnes pratiques et garantissent la paix sociale dans notre cher continent».
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