La Banque Mondiale au ban des ONG

Apr 02, 2014
tnoguchi

Source: SenePlus

April 2, 2014

Dans leur lutte contre le processus d’accaparement des terres en Afrique, Cicodev Afrique et plusieurs autres ONG au niveau international lancent une campagne mondiale pour dénoncer le programme dit “Benchmarking the Business of Agriculture” (BBA) développé par la Banque mondiale dans une dizaine de pays-pilotes. Selon elles, ce programme ne vise qu’à intensifier le processus de transfert des terres cultivables aux multinationales à travers une approche capitaliste qui fait la part belle à l’agro-business au détriment des petits exploitants.

“Touche pas à ma terre”, voilà le nouveau credo de la société civile “mondiale” regroupée autour de l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (CICODEV ), en liaison avec d’autres ONG : Enda Pronat, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN), la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali, Green scenery de Sierra Leone, Insaf (Indian social action forum), l’Oakland institute et /The Rules aux États-Unis.

Ensemble, elles demandent l’arrêt du programme BBA (Benchmarking the business of agriculture) de la Banque Mondiale qui, selon elles, encourage le phénomène de l’accaparement des terres.
D’après Amadou Kanouté, directeur exécutif de Cicodev Afrique, à travers un communiqué reçu à EnQuête, ce projet de la Banque mondiale qui veut promouvoir l’émergence d’un secteur agricole commercial fort, ne vise en réalité qu’à “déréglementer les secteurs agricoles dans les pays du Sud”, en favorisant son classement dans le Doing Business.

La campagne internationale ainsi lancée et intitulée “Nos terres. Notre business” a pour objectif, ajoute la note, de “désarticuler le tissu économique de nos terroirs”. “Les classements du BBA dans le Doing Business vont encourager les gouvernements à faire de leurs terres une marchandise et à (les) vendre ou à (les) louer à des investisseurs étrangers, indépendamment de l’impact social ou environnemental de telles politiques”, avertit le directeur exécutif de Cicodev.

“Privatisation du secteur agricole”

Si aux yeux de la Banque mondiale une certaine forme de privatisation du secteur agricole est bénéfique pour les pays du Sud, elle est par contre préjudiciable pour les paysan-nés, les éleveurs et les communautés autochtones, lesquels sont dépossédés de leurs terres, indique l’Ong. A cet égard, Cicodev Afrique alerte contre ce qu’elle appelle l’essor du processus d’accaparement des terres qui prend de plus en plus d’ampleur au Sénégal. La Banque mondiale fait la promotion de l’agrobusiness au détriment de l’exploitation familiale depuis l’introduction du classement “Doing business”, en 2007, précise Amadou Kanouté.

Dans ce sens, si 2014 a été consacrée comme l’année de l’agriculture familiale dans notre pays, elle a été surtout marquée par le lancement du Programme de développement intégré et durable de l’agriculture au Sénégal (PDIDAS), une initiative appuyée justement par la Banque mondiale, rappelle Cicodev Afrique. Selon Kanouté, le Pdidas est réservé en grande partie à l’investissement privé dans les zones du Lac de Guiers et du Ngalam sur une superficie de 10 mille hectares avec un financement de 80 millions de dollars. Un programme non isolé, poursuit Cicodev, car il entre dans le cadre de l’intensification d’un système de grandes acquisitions de terres arables.

“657 753 ha à 10 nationaux et 7 étrangers”

Cela explique alors que le gouvernement sénégalais, pour figurer en bonne place dans ce classement, ait pris un certain nombre de mesures depuis le troisième trimestre 2013. Ces mesures sont, entre autres, “la suppression de l’autorisation de transaction”, “l’amélioration de la protection des investisseurs par l’adoption de décrets révisant le code de procédure civile” ou encore “la facilitation du transfert de propriété”. Autant de réformes qui sont “de nature à plaire à la Banque mondiale” dans ce domaine.

“Durant l’année 2011, près de 657 753 hectares ont déjà été attribués à 17 privés dont 10 nationaux et 7 étrangers, ce qui représente 16,45% des terres cultivables du pays. Il est à craindre que ce pourcentage augmente de façon significative si nos pays ne mettent pas en œuvre une réforme foncière consensuelle qui prenne en compte nos propres objectifs de développement”, souligne Amadou Kanouté.

 

Un “Doing Business” agricole

Selon le site BBA.worldbank.org, ce projet de la Banque mondiale est en cours dans dix pays pilotes que sont, outre le Sénégal : Éthiopie, Guatemala, Philippines, Népal, Maroc, Ukraine, Rwanda, Espagne, Mozambique. Soit un échantillon de toutes les régions et des niveaux d’agriculture qui prévalent dans le monde. Le projet est appelé à s’étendre à plus de 80 pays dans le monde dans les trois prochaines années. Il a pour but notamment de déceler les problèmes qui entravent la productivité de l’agriculture afin de mieux lutter contre la pauvreté.

Ainsi le programme évaluera dans un classement “Doing Business” les politiques d’accès à la terre, aux engrais, aux semences, aux marchés agricoles et autres infra- structures rurales afin de favoriser l’épanouissement des exploitations paysannes et des tenants de l’agro-business, lit-on sur le site cité plus haut.

Ainsi, grâce aux études et collectes de données, les pouvoirs publics auront à leur disposition toutes les informations relatives à l’amélioration de leurs capacités de production “pour une agriculture plus moderne et plus efficace commercialement”. L’ultime objectif de ce “Doing Business” agricole étant de rendre possible pour les Etats concernés l’émergence d’un secteur agro-industriel fort et capable de favoriser leur décollage économique.

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